En cette nuit d’encre, à Valfaust, il y a deux millénaires, la majesté d’une pleine lune baignait le ciel d’un éclat argenté. Tout semblait calme, comme suspendu hors du temps. Mais soudain, sans avertissement, un rayon pourpre fendit le firmament et lacéra les ténèbres. Le ciel se fissura comme une toile brûlée, et une obscurité si profonde jaillit qu’elle engloutit la moindre parcelle d’espérance.
La lune, jadis douce et lumineuse, se teinta d’un rouge sanglant. Son visage blafard se mua en un œil unique, cruel et haineux, qui dominait le monde de son regard macabre. Sous cette lumière malsaine, les bêtes sauvages hurlèrent, les loups dévorèrent leurs congénères, les chiens s’acharnèrent sur leurs maîtres, et jusqu’aux insectes semblèrent frémir d’une frénésie insensée. Les créatures déjà consumées par la noirceur s’enflammèrent d’une rage nouvelle, comme si un mal ancestral, plus ancien que les montagnes et les mers, avait trouvé la faille pour se déverser sur Archaneum.
Alors, les portes du Néant s’entrouvrirent. Des fissures s’ouvrirent dans les plaines, les gouffres se mirent à cracher des flammes, et des légions monstrueuses jaillirent des entrailles de la terre. Démons aux ailes de cendre, abominations aux yeux multiples, morts relevés de leurs tombeaux par la seule volonté du chaos : tout un cortège d’horreurs se déversa sur le monde.
La nuit fut brisée par les cris. D’un continent à l’autre, les villages s’embrasèrent comme des torches, les cités s’effondrèrent dans la terreur, et les temples mêmes, jadis refuges des âmes, furent profanés par des flammes pourpres. Les forêts hurlèrent sous les pas des engeances infernales, les fleuves devinrent rouges du sang des peuples, et les montagnes résonnèrent des hurlements des agonisants.
Nulle contrée ne fut épargnée. Dans les Landes Menacées, les tribus orques furent écrasées par des marées de démons plus féroces encore qu’eux. Dans les FarLands, les forêts brûlèrent, et les elfes, jadis arrogants, virent leurs chants se changer en lamentations. Dans les Middle Lands, les fermes et les bourgs se vidèrent, réduits à des charniers fumants. Et jusque dans l’Anneau des Pierres, là où les nains se croyaient à l’abri, les premières brèches apparurent, jetant l’effroi dans le cœur des guerriers les plus endurcis.
Cette nuit funeste ne dura pourtant qu’un souffle, mais ce fut un souffle suffisant pour ébranler le monde tout entier. Les peuples, dispersés et divisés, ne purent qu’assister impuissants à la marée noire qui les submergeait. Partout, des familles furent séparées, des lignées effacées, des royaumes réduits en cendres.
Le monde pleura. Le monde se souvint. Car cette nuit-là, l’équilibre fragile qui le maintenait fut brisé. L’ordre des dieux et des Majestueux se fissura, laissant place à une mélodie de destruction qui résonna jusque dans les tréfonds de la terre. Et face à ce chaos, la résistance des peuples parut dérisoire. Les héros tombèrent les uns après les autres, les prêtres furent réduits au silence, les murailles les plus solides furent englouties comme du sable.
On dit que la lune resta rouge plusieurs jours, marquant le ciel du sceau du Néant. Et tandis qu’elle trônait comme un œil implacable, les survivants chuchotaient, terrifiés : « La fin est venue. »